Grenelle des Ondes
Grenelle des ondes
Grenelle des ondes : cacophonie et petits pas
Alors que le cycle de tables rondes sur les radiofréquences s'est clôturé lundi 25 mai, l'issue des débats, tantôt qualifiés de "rugueux" par les autorités, voire "rock and roll" par les associations, apparaît mitigée.
Par Laurène Rimondi
© RACKAM/WPA/SIPA
VOS OUTILS
À la suite d'attaques en justice entreprises par des habitants afin d'empêcher l'implantation d'antennes-relais dans leur voisinage, un cycle de tables rondes a été initié dans l'objectif de répondre aux craintes suscitées par les ondes. Une cinquantaine d'acteurs, réunissant diverses associations, des maires de France, de consommateurs ou de riverains, mais aussi des syndicats et des opérateurs ont alors tenté de s'accorder sur une conduite à tenir. D'après une directive du Premier ministre François Fillon, téléphonie mobile et antennes-relais ont été distinguées au cours des discussions. Le principe de précaution l'a emporté quant à l'utilisation du téléphone portable, pour lequel les "incertitudes" demeurent, et des recommandations ont été émises par le rapport de conclusion. Autour des antennes, en revanche, aucun consensus n'a pu être établi entre les différents partis. "Il y avait même plutôt dysensus, précise le cabinet de Chantal Jouanno, le principal point de désaccord étant l'abaissement du taux d'émission des antennes." Si le gouvernement, en accord avec l'OMS, considère qu'en l'état actuel des connaissances, il n'est pas possible de conclure à un danger, les associations réclament un niveau d'exposition de la population qui ne dépasse pas 0,6 volt par mètre. Le ministère, qui se réfère plutôt au taux d'émission des antennes, se refuse à définir un seuil limite, soulignant : "Le taux actuel est situé entre 41 et 61, en accord avec la réglementation européenne, fixée à 61 volts par mètre."
Chantal Jouanno en faveur d'un compromis
Premier pas ou effet placebo destiné à calmer les esprits, Chantal Jouanno s'est toutefois prononcée en faveur d'un compromis. Une première étape dite de "modélisation par ordinateur", ou simulation, sera mise en oeuvre afin de déterminer les "meilleures techniques possibles" qui seraient nécessaires à l'abaissement du seuil d'émission. Celui-ci devrait ensuite être expérimenté in situ, dans les villes qui le souhaitent. Si l'association Robin des toits, qui a lancé un appel, parle de 13 villes volontaires, la secrétaire d'État a pour l'instant évoqué la possibilité d'effectuer ce test à Pau et à Courbevoie, insistant sur son désir de rester "en accord avec le Parlement européen". Les réactions des associations n'ont alors pas tardé à se faire connaître. Étienne Cendrier, de Robin des toits, dénonce le "flou artistique entretenu" autour de cette mesure, tandis que Janine Le Calvez, de Priartem, déplore que le rapport de synthèse ne fasse aucune allusion aux "sites considérés comme sensibles", notamment les écoles ( voir notre article La fermeture d'un établissement à Château-Thierry ).
Les opérateurs pris dans un étau
Par ailleurs, un paradoxe est né autour des craintes suscitées par les radiofréquences. D'un point de vue scientifique, des incertitudes demeurent puisque l'innocuité catégorique autant que la nocivité avérée ne semblent pouvoir être prouvées en l'état actuel des connaissances. L'État impose toutefois aux opérateurs des obligations légales de couverture du territoire, tandis que les tribunaux, lorsqu'ils sont saisis par des riverains et des associations, astreignent les opérateurs à retirer des antennes . D'un côté, l'exécutif ne retient donc pas l'hypothèse d'un risque pour la population, alors que le judiciaire la reconnaît tacitement, en préférant appliquer le principe de précaution. L'Association française des opérateurs de téléphonie mobile (Afom) a donc souligné au cours de la table ronde la nécessité de dépasser cette contradiction, réclamant "un cadre juridique clair afin de pouvoir assurer un service de qualité auprès des 58 millions d'utilisateurs". Un dispositif de travail qui devra être effectué en amont, entre opérateurs, communes et préfecture, a été défini, afin qu'une fois la demande validée et les antennes implantées, une sécurité juridique soit garantie. Contacté par lepoint.fr, l'Afom a également affirmé, d'après une simulation réalisée sur ordinateur, que le seuil d'exposition de 0,6 volt par mètre demandé par les associations, "en contradiction avec l'avis des autorités sanitaires", était "irréaliste, puisque techniquement impossible". Les demandes et obligations des différentes parties ne semblent donc pas en mesure de s'accorder.
Enfin, si cette première série de concertations a pris fin, le débat n'est pas clos pour autant. En effet, un "Grenelle 2" est prévu pour cet été, tandis que la nouvelle étude, menée par l'Agence sanitaire de l'environnement et du travail (Afsset), sera rendue cet automne. Après actualisation de ces nouvelles données scientifiques, le rapport du gouvernement ne se montre pas hostile à de futures concertations. Le colloque scientifique de la Fondation santé et radiofréquences est aussi prévu pour les 20 et 21 octobre. Affaire à suivre...